Dans nos vies bien remplies, où trouver le temps pour pratiquer la pleine présence (ou « pleine conscience »), réputée pour ses multiples bienfaits? Eh bien, bonne nouvelle : la pleine présence ne demande pas forcément du temps.
Pas besoin de méditer à tout prix, même si c’est une voie privilégiée pour cultiver la pleine présence. Pas besoin non plus de créer un moment spécial pour elle, comme une séance d’aquarelle ou de casse-tête.
Vous pouvez l’insuffler dans votre routine de tous les jours, en doses infimes. Vous n’avez qu’à vous brancher à vos cinq sens pour intensifier votre présence dans les petits moments. Vider le lave-vaisselle, mettre la table, plier les draps. Il suffit de vous ouvrir à votre expérience dans l’ici et maintenant, avec amitié et curiosité.
Par où commencer? Voici 5 pistes simples.
1. Commencez maintenant (oui oui : maintenant)
La pleine présence se cultive à un seul endroit… le moment présent. Ici et maintenant. Pourquoi attendre à plus tard pour goûter ses vertus?
Déposez-vous dans cet instant précis : vous devant l’écran, qui lisez.
Où êtes-vous?
Pas physiquement, mais mentalement.
Votre corps est ici (dans le salon, l’autobus, le parc), mais votre tête est peut-être ailleurs. Dans le passé, le futur, la lune? Peut-être que vous pensez à mille et une choses : la longueur de cet article, le temps dehors, le souper de ce soir, les plantes à arroser, la litière de Pistache à changer, toutes les autres cases à cocher.
Prenez une bonne respiration. Une respiration consciente et profonde, pour renouer avec le corps et le moment présent. Laissez-vous atterrir.
C’est fait?
Maintenant, permettez-vous de ralentir votre lecture. Au lieu de parcourir le texte à toute allure, prenez le temps de traverser les phrases tranquillement, d’un bout à l’autre, comme des chemins de campagne paisibles. Rien ne presse. Avancez un mot à la fois, en sentant le poids de chaque pas. Et puis? Sentez-vous votre présence s’amplifier légèrement?
Pour enrichir votre expérience, reliez-vous à votre environnement. Qu’entendez-vous? Peut-être le bruit du frigo, le chant des moineaux, la tondeuse de votre voisine Martine. Et sentez-vous des odeurs spéciales? Le parfum d’une bougie ou de votre café?
Le temps de la lecture, branchez-vous à tous vos sens.
2. Redécouvrez l’ordinaire
Quand on y pense, la trame de notre vie est tissée de petits moments ordinaires. Faire le lit, les courses, la popote, la vaisselle, le lavage, le ménage. Se doucher, s’habiller, manger, sortir le recyclage, promener le chien, répondre à un courriel, déneiger la voiture, chercher un stationnement. Lire un article de blogue, comme là.
Le banal tend à devenir machinal. Quand c’est répétitif, on tombe plus facilement sur le pilote automatique. On se brosse les dents mécaniquement, sans habiter pleinement le moment. Pourtant, c’est un précieux instant de vie.
L’invitation : dérobotisez votre routine. Enrobez vos gestes les plus banaux de votre présence. Ouvrir les rideaux, ranger le lait dans le frigo, sortir les courses de l’auto. Ralentissez vos mouvements. La lenteur ajoute de la profondeur. Vous buvez un verre d’eau? Sirotez-le. Sentez chaque gorgée. Le banal deviendra spécial.
Allez-y une habitude à la fois. Par exemple, chaque jour pendant une semaine, habillez-vous le matin en pleine présence. Observez la chorégraphie fluide de vos mains, le mouvement souple des vêtements. Connectez-vous à votre ressenti : la danse du corps, le contact des tissus sur la peau. La semaine d’après, choisissez une autre habitude à redécouvrir.
3. Ponctuez vos journées de micro aventures
Quand on ouvre la porte de l’inconnu, on sort du pilote automatique et on entre de plain-pied dans le moment présent. Devant la nouveauté, tous nos sens sont activés. On est totalement alerte, vivant, les antennes bien dressées. La pleine présence émerge naturellement.
Pourquoi ne pas colorer vos journées de petites aventures? Par exemple, vous pourriez emprunter un chemin inconnu pour aller au travail, glissez dans votre panier d’épicerie un fruit mystérieux (batata, carambole, cherimoya, etc.), essayer de vous habiller avec un seul bras (pourquoi pas?), manger un repas les yeux fermés, etc.
Vous pouvez même injecter de la magie dans l’ennui. Par exemple : le lavage de vaisselle. Et si vous transformiez cette tâche en expérience sensorielle aquatique? Vous mettez une musique d’ambiance de vagues, tamisez les lumières et allumez quelques bougies. Tout d’un coup, vous ne voyez plus la montagne d’assiettes sales sur le comptoir. Non, vous voyez la mer. Vos mains nagent dans le lavabo, d’une fourchette à une cuillère, d’une tasse à un chaudron. Vous sentez la mousse pétillante, l’eau chaude et savonneuse. Le parfum de citron. Mine de rien, la corvée est devenue un voyage.
4. Vivifiez les temps morts
Nos journées sont remplies de temps morts. Vous savez, ces entractes entre deux scènes d’action, où il ne se passe rien. Où on attend.
Dans la file d’épicerie, à l’arrêt d’autobus, au service à l’auto, en plein milieu du trafic, au seuil du sommeil, devant un fichier qui télécharge.
Dans ces moments d’entre-deux, la vie semble en suspens. Parfois, on tombe dans la torpeur. On se débranche du moment présent et on part dans nos pensées, loin loin loin. D’autres fois, on s’énerve. On soupire en regardant l’heure. On tape du pied derrière le vieux monsieur qui fait valider ses gratteux. Vite, on veut avancer vers l’avenir.
Et si on profitait de ces moments où on ne peut rien faire pour… ne rien faire? Pleinement. Sans culpabilité.
Ces temps morts sont comme des petits trous dans l’horaire. Des bulles d’oxygène. Respirez-y. Remplissez-les de vie et de présence.
Votre ordi redémarre? Relaxez-vous dans votre chaise. Prenez une bonne inspiration, sentez vos pieds bien ancrés, contemplez les ombres au sol, les filets de lumière au mur, écoutez le vent.
La prochaine fois que vous devez attendre, laissez-vous savourer cette escale forcée. Comme une lumière rouge. Arrêtez-vous vraiment. Vous n’avez nulle part où aller, rien à faire : juste à être.
5. Changez vos lunettes
On regarde souvent le monde avec des lunettes teintées. Des lunettes teintées par nos états d’âme, nos expériences passées, nos attentes, nos préjugés, nos suppositions, nos désirs, nos peurs, etc.
Cultiver la pleine présence, c’est s’exercer à retirer ces vieilles barniques pour voir les choses avec un regard neuf et curieux. Comme si c’était la toute première fois. C’est aussi ouvrir les yeux et sortir de l’aveuglement de l’habitude, qui occulte les merveilles et les possibilités contenues dans le moment présent. Le pilote automatique rétrécit notre champ de vision.
Pour le reste de votre journée ou à votre réveil demain, imaginez que vous êtes un extraterrestre. Vous venez de débarquer sur la Terre, dans la peau d’un humain, et vous n’avez aucun point de repère. Tout est à découvrir : votre reflet dans le miroir, les objets de la maison, le goût de l’eau, la voix de votre partenaire, le vert des arbres.
Par petites touches
Pour infuser la pleine présence à votre quotidien, allez-y à votre rythme, sans vous mettre de pression. Une habitude à la fois, un jour à la fois.
La pleine présence s’ajoute par petites touches à la toile de notre vie, comme de l’aquarelle. Délicatement, goutte à goutte, elle remplit nos moments d’absence, colore la routine et adoucit la grisaille. Chaque journée devient une création.
S’exercer à la pleine présence, au fond, c’est un art… un art de vivre. À vos pinceaux!