On croit que les machines à voyager dans le temps relèvent de la science-fiction. Que ce sont de pures utopies. Et pourtant…
On est constamment en train de voyager dans le temps.
Tout se fait discrètement, à bord de l’engin le plus sophistiqué qui soit, la plus haute technologie : notre esprit.
Il suffit de l’impulsion d’une pensée et, bang, l’imagination nous propulse : nous voilà soudain dix ans plus tôt, dans le paysage vaporeux d’un souvenir, ou dix ans plus tard, dans le décor branlant de nos prédictions.
Grâce à ce pouvoir phénoménal du cerveau, on est libre de remonter les époques de notre vie pour visiter de vieux souvenirs, ou de se projeter dans notre avenir pour contempler le champ des possibles.
Le présent est ennuyeux? En douce, on allume la machine de l’imaginaire. Cap sur l’été 1998 pour une saucette au chalet d’enfance. La mémoire rembobine. Sapins, crème solaire, pédalo, bonheur. Ou direction les années 2040 : bond dans le futur vers notre maison de rêve à la campagne, avec un solarium, ben des livres, un hamac, deux Huskey, quelques poules et la paix.
On peut partir whenever, wherever, comme dirait Shakira.
C’est merveilleux. Absolument merveilleux. Sauf que.
Ça peut aussi être l’exact inverse : désastreux. Entre l’un et l’autre, il n’y a qu’un pas.
Être sur le pilote automatique
Trop souvent, on voyage dans le temps inconsciemment, sur le pilote automatique. On part sans même le savoir.
À l’heure du souper, pendant que notre tendre moitié nous raconte ses péripéties du lundi, notre tête hoche mécaniquement, han-han, han-han. Notre corps est à la table, mais l’esprit est au bureau, dix heures plus tôt. Il rejoue en secret une scène, une réplique maladroite, un silence. Ensuite, pendant la séance de vaisselle, l’esprit se téléporte en septembre, dans la frénésie de la rentrée, puis en décembre, dans l’accalmie des vacances, puis en janvier, dans le stress de la nouvelle année, puis en avril…
Sur le pilote automatique, on ne choisit pas la destination. C’est la machine mentale qui décide, pour le meilleur et pour le pire. Mal maîtrisée, sa puissance peut se retourner contre nous et nous imposer un itinéraire étourdissant : allers-retours incessants sur la ligne du temps, entre souvenirs et scénarios. Et, parfois, on y reste piégé. La machine déraille. Il y a des glitchs. Impossible de regagner le présent.
On est perdu, confus, éparpillé entre mille et une lignes du temps.
Mais, heureusement, il existe un moyen simple de revenir à la maison. Plus simple qu’on ne le pense.
La méditation
Bon, le titre a un peu vendu le punch : c’est la méditation.
Cette pratique nous ramène sur terre, dans le présent. Nous réaligne avec cette seconde exacte, ici, où le corps respire. Nous redonne des repères et des racines dans le réel : notre souffle, le contact du sol, le soleil sur la peau, le parfum du linge propre, les pigeons qui roucoulent.
Par la pleine conscience, on se réapproprie le moment présent. On apprend à l’habiter mieux, avec vitalité, à installer solidement notre être dans l’espace, au lieu de se contenter d’y séjourner en touriste, d’y faire de brèves escales occasionnelles.
La méditation ne nous interdit pas de voyager dans le temps. Elle ne le déconseille pas non plus. Elle nous apprend juste à le faire plus librement, plus lucidement. Ça implique de se familiariser, d’une part, avec les rouages de la machine mentale pour mieux la manœuvrer et, de l’autre, avec nos propres habitudes de déplacement. Où l’esprit tend-il à partir? Vers hier? Vers demain? Où erre-t-il, se perd-il? A-t-il du mal à rester dans le présent? Qu’est-ce qui le pousse à le déserter? Grâce à cette compréhension, il y a moyen de voyager dans le temps consciemment, à bon escient. Par exemple, on peut choisir de retourner dans le passé non pas pour ruminer, mais pour réfléchir, tisser des liens, faire la paix. Ou se projeter dans l’avenir non pas pour redouter, mais pour rêver et semer des intentions fécondes. Nos virées spatiotemporelles deviennent ainsi moins chaotiques, plus bénéfiques.
La méditation nous outille pour mieux canaliser notre imagination et notre intellect, dans le sens de notre épanouissement, individuel et collectif. Elle nous rappelle que le passé et l’avenir ne sont que fabrication; ils tiennent plus du mirage que de la vérité coulée dans le béton. La méditation nous apprend à les mettre au service du présent : le passé pour nous guider; l’avenir, nous inspirer.
En guise de conclusion, laissons-nous sur les sages paroles de Christophe André, tirées de Je médite, jour après jour : Petit manuel pour vivre en pleine conscience :
« Nous avons besoin du passé et du futur, besoin de souvenirs et de projets. Mais nous avons aussi besoin du présent. Le passé importe, le futur importe. La philosophie de l’instant présent, ce n’est pas dire qu’il est supérieur au passé ou au futur. Juste qu’il est plus fragile, que c’est lui qu’il faut protéger, lui qui disparaît de notre conscience dès que nous sommes bousculés, affairés. C’est à lui qu’il faut donner de l’espace pour exister. »
Pour cultiver la pleine présence, essayez l’une des multiples méditations guidées proposées sur la chaîne YouTube d’Infuse magazine. Bonne écoute!