Cet article a été rédigé par Geneviève Gauthier, travailleuse sociale et doctorante en sciences sociales.

Vivre un deuil est une expérience profondément intime et personnelle, tout en étant une expérience collective et universelle. De façon générale, on peut considérer que le deuil se caractérise par l’ensemble des réactions (physiques, émotionnelles, sociales, spirituelles) qui surviennent suite au décès d’une personne. Le deuil est une réaction normale et saine suivant la perte. J’aime utiliser la métaphore du matelot : on devient tous et toutes matelots quand vient le temps du deuil, cherchant par moments à s’ancrer et d’autres à simplement se laisser bercer par le mouvement des vagues. Le deuil n’a pas à se « résoudre » ni à se terminer. Comme la mer, il est en mouvement, avec des marées hautes et des marées basses. Le deuil se navigue.
À un moment ou à un autre, nous sommes tous et toutes touché·es par cette réalité. Et malgré l’universalité du deuil, plusieurs personnes ressentent une impuissance et un malaise qui se traduisent par une difficulté à accompagner leurs proches qui ont perdu un être cher. Il s’agit d’un sujet parfois tabou, qui peut causer de l’inconfort chez plusieurs. Devant ce constat, plusieurs personnes professionnelles et cherheur·es proposent de cultiver une littéracie du deuil, c’est-à-dire essentiellement d’apprendre à normaliser et naviguer le deuil pour mieux se soutenir entre nous. Tel·le un·e matelot bienveillant·e, on peut se poser la question : comment pouvons-nous prendre soin des personnes que l’on aime qui vivent un deuil?
Une partie de la réponse réside dans l’importance du soutien social. Certaines actions peuvent être soutenantes pour la personne qui traverse un deuil. En voici quelques-unes.
Quelques actions qui peuvent faire du bien
– L’écouter. Cela semble aller de soi, et bien qu’il s’agisse d’une action qui puisse sembler simple, elle ne l’est pas toujours. Le fait de prendre un véritable moment, sans distraction, pour écouter la personne endeuillée peut réellement l’aider à se sentir reconnue dans son deuil. Il est possible de lui demander si elle a envie de partager des souvenirs avec la personne qu’elle a perdue. Prendre le temps de véritablement écouter la personne sans jugement en suivant son rythme peut apaiser et permettre de réguler les émotions fortes.
– Lui envoyer un message. Le fait de lui écrire pour lui dire que vous pensez à elle est une action simple qui peut faire une grande différence.
– Se proposer pour la soutenir dans les tâches. Qu’il s’agisse de tâches ménagères ou administratives, elles peuvent représenter un fardeau pour les personnes endeuillées et le fait d’avoir du soutien peut réellement alléger la charge mentale.
– Respecter l’équilibre entre l’espace dont elle a besoin pour vivre son deuil et le besoin qu’elle a d’être entourée. La personne qui vit un deuil n’a pas nécessairement tout le temps besoin d’être entourée, elle peut avoir besoin de moments en solitaire pour se tourner vers son intériorité. Il est donc nécessaire de respecter les besoins qui changent au fil des jours et des mois.
– Se renseigner sur les ressources disponibles qui pourraient l’aider. Par exemple, si elle a des enfants, on pourrait envisager d’identifier des services de relevailles dans sa ville ou de proposer des moments pour s’en occuper. Cela peut aussi prendre la forme de recherches pour trouver des repas cuisinés abordables, regarder s’il y a des groupes de soutien pour personnes endeuillées offerts dans la région si elle en ressent le besoin, parcourir les sites qui donnent des informations sur comment procéder au niveau civil lorsque le décès survient, etc.
– Normaliser les émotions qu’elle ressent. Il n’y a pas de « mauvaises » émotions, seulement des émotions qui se présentent à nous. Elles peuvent être désagréables, intenses ou difficiles à vivre, mais elles sont légitimes et elles ont le droit d’être vécues et exprimées. Les émotions exprimées peuvent parfois nous surprendre, mais il est important de les normaliser.
– Ne pas chercher à dire les mots «parfaits». Souvent, on peut se sentir impuissant·e face au deuil d’un proche et il n’est pas nécessaire d’avoir les mots parfaits. Si on ne sait pas quoi dire, il peut être aidant et transparent de tout simplement le dire « Écoute, je vois ce que tu vis, les mots me manquent, mais sache que je suis là. ».
– Continuer à prendre des nouvelles de la personne. Les études démontrent que le soutien social est plus fort dans les jours suivant le décès et décline assez rapidement par la suite. Cependant, les besoins de la personne endeuillée perdurent pendant plus que quelques jours et évoluent et se transforment au fil du temps. Il peut être très aidant pour la personne endeuillée de continuer à recevoir du soutien de ses proches même plusieurs mois et années après le décès.
– Proposer votre aide pour mettre en place un rituel qui soit significatif. Les écrits suggèrent que le fait de ritualiser le décès d’un proche peut être bénéfique pour le cheminement du deuil. Les rituels peuvent prendre plusieurs formes et peuvent être investis à différents moments et dans divers espaces. Ils peuvent inclure des photos, des éléments de la nature, de la musique, des chants, des poèmes, des lettres, des objets qui représentent les passions de la personne décédée, des rassemblements intimes ou en plus grand groupe, des gestes, des prises de paroles, des témoignages, des pratiques symboliques et plus encore.
– Comprendre que le deuil n’est pas linéaire. Chaque trajectoire est unique et on ne peut pas réduire l’expérience du deuil à une suite d’étapes définies selon une séquence qui serait la même pour tout le monde.
Ces actions sont bien entendu loin d’être exhaustives, mais peuvent constituer un point de départ intéressant. La posture la plus importante reste d’être à l’écoute de la personne endeuillée, dont les besoins et les émotions peuvent grandement varier au fil des mois et des années. Il est vrai qu’il peut émaner du deuil des moments difficiles, marqué par des émotions intenses, quelles qu’elles soient. Tous les deuils sont uniques et certains peuvent nécessiter un accompagnement professionnel. Si la charge devient trop lourde, que le deuil impacte le fonctionnement de la personne sur une longue période ou qu’elle ressent de la détresse, il peut être indiqué de consulter une personne professionnelle qui pourra évaluer sa situation et l’accompagner. Il ne faut pas hésiter à aller chercher du soutien lorsqu’on en ressent le besoin.
Ceci dit, pour plusieurs personnes, le fait d’être entourées et soutenues par leur réseau leur permettra de naviguer plus doucement. Tous les deuils ne sont pas nécessairementet uniquement tristes. Ils nous transforment, nous transportent à des endroits où nous n’aurions jamais pensé aller, des couchers de soleil aux pluies torrentielles. Et pour naviguer les vagues, nous avons besoin d’un équipage sur qui s’appuyer. Pour parler, écouter, et surtout, normaliser.
Voilà que quand le deuil survient, un·e matelot en reconnait un·e autre, et c’est ainsi que nous ne sommes plus seul·e. Ensemble, pour naviguer la perte.
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