Le repos est un acte à contre-courant dans une société qui valorise l’épuisement.
Un acte qui prend place dans une mer d’obligations où la norme est de suivre le banc de pensées. Un acte de résistance probablement beaucoup plus épuisant que de se laisser porter au rythme des marées. Toutefois, même en laissant le courant nous guider, nous sommes fatigués. Comme si se laisser porter n’était pas gage de réussite d’une vie reposée.
Que faut-il alors pour se sentir moins fatigués dans un monde qui nous épuise ? Aller plus souvent au spa ? Se payer une femme de ménage ? Manger mieux ? Et si, au lieu de cela, on prenait soin de nos fatigues ? Et si on arrêtait de les ignorer ?
Prenons le temps aujourd’hui de nommer certaines de nos fatigues du quotidien, et ce, pour pouvoir mieux les regarder en face, à hauteur d’homme. “ Car être fatiqué·e, c’est être occupé·e, et regarder nos fatigues, c’est affronter notre rapport au temps”, comme Véronique Grenier l’écrit dans son essai À boutte. J’ajouterais à cela que “regarder nos fatigues”, c’est redéfinir notre rapport au repos.
Poussons dans ce texte la réflexion plus loin que les évidents épuisements psychologiques et physiques. Ils ont déjà été nommés à mainte répétition et on ne s’en porte pas mieux, ou du moins plus reposés. La liste qui suit se veut un portrait non exhaustif (et assez personnel) de certaines fatigues du quotidien qui sont souvent moins prises en considération. Sortons un peu des sentiers battus.
La fatigue numérique
Dans un monde dans lequel les écrans sont omniprésents, la fatigue numérique est inévitable, à moins de vivre dans le haut d’une montagne, reclus, comme un moine bouddhiste. La fatigue numérique découle de l’infobésité et de l’hyperconnexion. Le cerveau est constamment sollicité, ce qui épuise nos réserves d’attention et notre capacité à rester concentré.
Voici quelques pistes solutions pour déconnecter des écrans lorsque nos yeux piquent après avoir passé les 2 dernières heures sur Tik Tok:
- Pratiquer moments dans la journée sans écran
- Dédier une journée par semaine sans réunion “Zoom”
- Reconnecter avec la lecture papier
- Réduire la sollicitation de notre téléphone en limitant les notifications superflues
La fatigue créative
La fatigue créative découle de la culture de l’urgence et du système capitaliste qui nous maintiennent en mode survie. Toujours pressés, occupés et en retard, nous manquons de temps pour réfléchir et nous reconnecter à notre créativité. On finit par tourner les coins ronds au lieu d’explorer des choix de vie personnel qui demandent plus d’énergie sur le moment, mais qui peuvent tracer les balises vers une vie plus épanouie.
Voici quelques pistes de solutions pour reconnecter avec notre créativité lorsqu’on se sent sur le pilote automatique :
- Prendre une pause de notre travail quotidien
- Commencer un nouveau passe-temps, sans pression de performance
- Siester, pour mieux réfléchir à notre réveil
- Aller marcher en laissant notre cellulaire à la maison
La fatigue des luttes
Les causes militantes, la justice sociale, la crise du climat, les “mères au front”… Aussi nobles soient-elles, ces luttes entrainent une forme de fatigue qui est rarement nommée et dont il est difficile de se détacher puisque ces causes nous tiennent à cœur. La perte d’espoir, la lassitude et la fatigue émotionnelle peuvent s’immiscer dans notre quotidien lorsqu’on se heurte aux lenteurs du changement.
Voici quelques pistes de solutions lorsqu’on se sent à bout de souffle après avoir crié pendant des heures à une manifestation :
- S’assurer d’être soutenu par une communauté
- Choisir ses batailles
- Célébrer les petites actions comme les grandes
- Alterner les périodes d’engagement intense pour préserver son énergie sur le long terme
La fatigue sociale
Être constamment entouré de gens, même de ses proches, peut être épuisant. Les exigences d’interactions, de disponibilité sociale, de convivialité forcée et la peur de rater quelque chose (FOMO) s’additionnent pour gruger peu à peu notre énergie. Attention de ne pas glisser vers le raccourci intellectuel comme quoi seuls les introvertis ressentent la fatigue sociale. Dans un contexte dans lequel on choisit mal nos cercles sociaux, introvertis et extravertis peuvent être affectés.
Voici quelques pistes de solutions quand on se rend compte qu’on a dit “oui” à trop de soirées à l’extérieur cette semaine et que ça ne nous rend pas plus heureux :
- Planifier du temps sans interaction sociale
- Privilégier les relations qui nous apportent de l’énergie plutôt que d’en prendre
- S’autoriser à refuser des sorties
- Faire des activités seuls
La fatigue du self-care
Je crois que je renommerais ce titre plutôt “la pression du self-care ”. Les pratiques de type self-care sont à la mode. On les pratique parfois au détriment de notre temps, de notre énergie et de nos finances. Ceci est donc un doux rappel que prendre soin de soi ne coûte rien et ne devrait pas nous faire travailler plus pour racheter à gros prix notre temps et notre énergie lorsqu’on sera complètement vidé.
Voici quelques pistes de solutions pour du self-care conscient, qui ne requiert pas de sortir notre carte de crédit :
- Dormir plus longtemps
- Faire une partie du ménage de notre maison
- Offrir de son temps pour aider un organisme ou une cause
- Prendre du temps avec nos animaux, nos plantes, nos amies
Fatigue parentale
Être parent, c’est être constamment en éveil, prêt à réagir, à consoler, à protéger. La fatigue parentale ne concerne pas seulement le manque de sommeil, mais aussi l’épuisement mental d’être toujours dans l’anticipation. À cela s’ajoute la pression de la « parentalité parfaite », qui pèse lourd sur les épaules de celles et ceux qui s’efforcent de donner le meilleur d’eux-mêmes à leurs enfants.
Voici quelques pistes de solutions quand la culpabilité de ne pas pouvoir tout faire s’invite dans nos maisons :
- Partage des responsabilités avec un groupe de soutien
- Reprendre contact avec son propre bien-être
- Planifier les minutes de transition entre les activités comme faisant partie de l’horaire de cette dite activité
- Laisser aller l’idée d’être un parent parfait, d’avoir une maison parfaite, de créer des moments parfaits…
J’aurais pu continuer d’allonger cette liste de plusieurs points encore en y ajoutant la fatigue sensorielle, la fatigue d’être soi, la fatigue émotionnelle, la fatigue systémique, la fatigue due au manque de sommeil chronique, la fatigue due à une maladie… Pour ne nommer que celles-là. Mais, au final, ce qui me semble le plus important, c’est de se rappeler que ces différents types de fatigue soulignent une réalité que je ne peux passer sous silence : le repos, le vrai, n’est pas seulement un droit, mais un acte de résistance. Un acte qui sous-entend que nous devons agir pour inviter l’oisiveté dans nos vies. Agir peut-être même contre la pensée courante.
Il faut aussi se libérer de l’idée que l’épuisement est une vertu.
Il faut commencer à prendre soin de nos fatigues plutôt que de les ignorer.
Il faut s’arrêter plus souvent au lieu de s’occuper tout le temps.
Il faut revoir nos priorités.
Il faut prendre acte.
Il faut dormir.
Il faut rêver.
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