Au cours du processus de socialisation à l’enfance, nous apprenons à contrôler nos émotions et à les adapter aux divers contextes dans lesquels nous nous retrouvons. Nous apprivoisons la capacité à nous autoréguler sur le plan affectif. Chez certains individus, cette autorégulation peut prendre une forme extrême qui se cristallise à l’âge adulte : les émotions se retrouvent à être démesurément contenues, filtrées, refoulées. Cependant, lorsque nos émotions n’ont pas l’espace pour être vécues et ventilées sainement, elles s’accumulent comme des vidanges dans un dépôt à déchets, pour, plus tard, déborder sous différentes formes. Parfois, elles se déplacent vers l’alcool, la nourriture, les drogues, l’automutilation, les achats compulsifs ou tout autre comportement de fuite ou de neutralisation. Autres fois, elles s’extériorisent en comportements agressifs ou en formes d’oppression. À la longue, il n’est pas rare que cette répression émotionnelle donne lieu à des symptômes dépressifs, à l’épuisement et à un sentiment d’impuissance envahissant.
Plusieurs professionnels de la santé s’accordent pour dire que certaines émotions excessivement inhibées se traduisent en problèmes de santé. Il ne suffit de constater les liens entre le stress et le corps pour comprendre que cette hypothèse n’est pas farfelue du tout. En exemple, lorsque nous sommes exposés à un état de tension (p.ex., conflit, situation de danger, échéanciers serrés, douleurs, etc.), l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien libère des hormones liées au stress, des glucocorticoïdes tel le cortisol. Ces hormones sont libérées pendant de longues heures suivant une exposition au stress, et peuvent s’accumuler si les sources de stress sont multipliées ou prolongées. Elles entraineront alors une série de symptômes désagréables et amplifieront les symptômes incommodants préexistants tels les troubles gastriques, les problèmes inflammatoires, les désordres cutanés, les douleurs chroniques, les tensions musculaires, pour n’en nommer que quelques-uns. Nos émotions s’accompagnent également d’une charge neurochimique qui affecte le corps à sa manière.
Accepter plutôt que résister aux émotions
Nous possédons tous notre seuil personnel d’émotivité ou de sensibilité, qui varie selon notre génétique, les circonstances, les hormones, les cycles de vie, les saisons et une variété d’autres facteurs. Si nous ressentons une décharge émotionnelle, elle nous informe tout de même de quelque chose. Elle n’apparaît pas de nulle part. Assurons-nous d’accueillir nos émotions lorsqu’elles font surface, ou de prévoir des moments opportuns pour les vivre. Évitons de les ignorer complètement. S’empêcher de vivre ses émotions c’est comme rejeter une partie de soi-même. Nous ne pouvons escamoter l’émergence d’émotions, tout comme nous ne pouvons freiner un gargouillement gastrique qui nous informe d’une faim. Nous pouvons, cependant, mettre des stratégies en place pour naviguer avec ces fluctuations, les accepter et cultiver notre bien-être.
C’est parfois tentant d’invalider nos émotions avec des croyances telles que : « le temps va régler les choses », « je m’en fais pour rien », « je n’ai pas à me plaindre, d’autres vivent des choses beaucoup plus difficiles que moi », « c’est peut-être juste à cause des hormones. ». Et si les émotions qui émergent se rattachaient à des enjeux plus profonds et plus anciens, qui n’ont pas encore été « digérés », à des charges neurochimiques qui n’ont pas encore été métabolisées? Et si cette situation, que vous percevez comme étant « banale », était une petite porte qui permettait à ces anciennes émotions de se libérer? Vous n’avez pas toujours à comprendre vos émotions. Offrez-leur de l’espace afin qu’elles puissent poursuivre leur chemin. Ayez le courage de les accueillir. Ressentez-les. Nommez-les. Écrivez-les si cette méthode vous parle. D’ailleurs, pleurez si l’envie se présente. Pleurer est une action instinctive qui sert à ventiler la charge émotive, un moyen de métaboliser les hormones et de modifier les neurotransmetteurs qui sont sécrétés dans différentes situations de vie. Tout comme rire. Tout comme se défouler physiquement (action alimentée par une pulsion d’agressivité). Ce n’est pas une fragilité. Ce sont des outils parmi tant d’autres qui découlent de notre patrimoine génétique.
Par ailleurs, observer ses émotions avec bienveillance peut en soi être suffisant pour que celles-ci s’estompent. Lorsqu’un chaudron bout et déborde, avez-vous remarqué qu’il ne suffit que de soulever le couvercle pour que l’effervescence s’apaise? D’une façon comparable, la simple observation des émotions leur permet, avec le temps, de se dissiper. Il importe de s’en intéresser, sans les envenimer ou les refouler. Nous constatons leur présence et les invitons à coexister dans le paysage de notre conscience.
J’aime bien la phrase : « ce qui ne s’exprime pas s’imprime, » autant sur soi ou sur les autres. En accueillant hardiment vos émotions et votre vulnérabilité humaine, vous constaterez que les états de détresse perdurent moins longtemps. Vous noterez que vous êtes moins porté(e) à vous tourner vers les comportements d’évitement mentionnés précédemment. Ainsi, l’accueil des émotions contribue à un mode de vie sain et équilibré.
Consacrez un moment pour accueillir vos émotions. Vous pouvez écouter la méditation « Accueil émotionnel et sensoriel » disponible ici et sur la chaîne YouTube « Calme au cœur du chaos ». Vous pourriez aussi compléter l’exercice « Prendre conscience de son état et des ses émotions ».
Rappel que nous présentons un atelier sur la gestion des émotions, animé par Isabelle Soucy psychologue, le 18 novembre 2022 en virtuel (en direct et en différé). Tous les détails ici.
Cet article est un extrait du prochain livre d’Isabelle Soucy, à paraître aux Éditions de l’Homme au Printemps 2023. Isabelle est docteure en psychologie et autrice du livre « Calme au cœur du chaos : Stratégies et exercices pour cultiver l’équilibre au quotidien. Vous pouvez consulter ses exercices audios, documents d’exercices, « défis bien-être » et capsules vidéo au www.isabellesoucy.com. Elle publie également régulièrement du contenu sur la chaîne YouTube « Calme au cœur du chaos ».