La vie prend parfois des tournures insoupçonnées. Elle nous propulse dans des directions qui dérogent de nos plans et qui détonnent avec nos souhaits. Elle nous présente des défis, des embûches, des souffrances non anticipées. Elle nous offre une abondance d’occasions pour apprivoiser l’impuissance et l’imprévisibilité. Comme si naviguer dans ces conditions n’était pas en soi une tâche suffisamment laborieuse, nous nous imposons, de surcroît, des exigences personnelles bien souvent trop élevées. Nous nous mesurons contre des standards démesurés ou simplement idéalistes qui font abstraction des multiples facteurs qui exercent déjà une pression sur notre existence.
Et si nous nous permettions de prendre une pause pour nous infuser une bonne dose de bienveillance? Et si nous pouvions célébrer la personne – parfaitement imparfaite – que nous sommes et reconnaître que nous faisons de notre mieux pour naviguer au milieu d’un océan d’incertitudes et d’épreuves? Pouvons-nous revenir à la base et nous féliciter du millage parcouru jusqu’ici?
La notion de bienveillance est véhiculée de plus en plus dans le vocabulaire populaire, mais qu’est-ce que la bienveillance et comment l’incorporer à sa vie?
La bienveillance fait référence à une attitude accueillante et compatissante que l’on cultive, envers soi et envers les autres. Être bienveillant envers soi-même reflète la capacité à se traiter avec douceur, indulgence et humanité. Lorsque nos perceptions de nous-mêmes sont teintées de bienveillance, nous sommes disposés à prendre en compte l’ensemble de nos aspects positifs, plutôt que de focaliser notre attention sur ce qui nous paraît négatif. Nous sommes capables de contextualiser nos réactions ou nos comportements, plutôt que de s’auto-flageller avec des pensées culpabilisantes et critiques teintées de mépris, de jugement, de reproches et d’agressivité.
Tel un muscle qui se renforce avec l’entraînement, la bienveillance se cultive pour devenir une attitude de plus en plus naturelle. Lorsque vous attrapez vos pensées dénigrantes ou auto-critiques au vol, prenez un moment pour entraîner ce muscle mental de la bienveillance et de l’auto-compassion. Pour se faire, voici différentes stratégies :
1. Contextualiser les circonstances et évaluer les résultats en fonction de nos intentions et de nos priorités
Dans un premier temps, il est particulièrement aidant de revenir à nos intentions et à nos priorités dans le contexte d’une situation. Si vous vous jugez sévèrement d’avoir dit quelque chose de maladroit, d’avoir commis une erreur, d’avoir dérogé de vos idéaux, demandez-vous : « Quelle était mon intention à cet instant? Quel était le contexte? Quelle était ma priorité en ce moment? » Je doute grandement que vous fussiez motivés par une intention malveillante. Je doute que vous alimentiez l’idée de verbaliser cette maladresse, que vous eussiez prémédité cette erreur ou que vous souhaitiez consciemment saboter vos progrès.
Plusieurs éléments du contexte peuvent interférer et teinter les résultats de nos actions. Étiez-vous fatigués? Distraits? Nerveux? Préoccupés par d’autres sources de stress? Et quelles étaient vos priorités à ce moment même? Si, par exemple, vous vous culpabilisez d’avoir omis de vous rendre à votre séance d’entraînement prévue à l’horaire, prenez soin de dresser un inventaire de votre journée. Dans quel état étiez-vous? Est-ce que votre journée s’était déroulée telle qu’anticipée? Qu’avez-vous à gérer? Par ailleurs, si vous avez renoncé à l’entraînement, vous avez fait de la place pour autre chose de plus important pour vous à ce moment. Demandez-vous : « si j’ai dit non à l’entrainement, j’ai dit oui à quoi? » Quels étaient vos besoins? Aviez-vous besoin de repos? De divertissement? D’une liberté quant à l’utilisation de votre temps? D’un relâchement de la pression exercée par nos multiples exigences quotidiennes?
Toutes ces questions servent à reconnaitre qu’en général, nous faisons de notre mieux dans les circonstances et en fonction de l’information dont nous disposons sur le moment. Idéalement, vous vous seriez exprimés différemment. Idéalement, vous n’auriez pas commis cette erreur. Idéalement, vous seriez allés vous entraîner. Le mot « Idéalement » est important ici, pour distinguer ce qui est en votre contrôle et ce qui est affecté par divers facteurs bio-socio-environnementaux qui sont souvent hors de votre contrôle. « Idéalement » suggère que les résultantes d’une situation auraient très bien pu être différentes si tous les éléments du moment avaient été optimaux : votre niveau d’énergie, votre état de santé, vos hormones, le déroulement de votre journée (parlant ici d’une absence d’imprévus), l’environnement, la température, les comportements des gens de votre entourage, le contexte culturel et sociopolitique, et j’en passe.
2. Prendre en considération nos forces et les aspects positifs de notre expérience
Notre dialogue interne auto-critique glisse fréquemment dans des pièges de pensées qui nous amènent à filtrer l’information et à discréditer le positif. Lorsque vous focalisez sur un aspect déplaisant de votre journée, votre apparence, votre réalité ou vos comportements, prenez un moment pour également prendre en considération l’ensemble de vos forces, qualités, habiletés et beaux côtés. Dans mon livre Calme au cœur du chaos, je parle de « l’exercice du ET ». C’est une stratégie très simple qui nous aide à défusionner avec l’arbre qui mobilise notre attention pour mieux percevoir l’ensemble de la forêt. L’adoption de « l’exercice du ET » agrémente notre satisfaction de vie en court-circuitant la tendance naturelle à fusionner avec les aspects négatifs et en nous incitant à reconnaitre ce qu’il y a de positif au travers du négatif. Voici comment il s’applique : lorsque vos pensées critiquent une facette de votre réalité, dites « ET » et nommez les autres dimensions de votre expérience. Par exemple, si vous n’aimez pas l’apparence d’une partie de votre corps, dites-vous « cette partie du corps ne me plait pas ET j’ai des beaux cheveux aujourd’hui, ET je porte tel vêtement dans lequel je suis confortable, ET j’aime mes yeux, ET je suis une personne accueillante et sympathique, ET je suis entouré(e) de personnes que j’apprécie… ET … ET…ET… ». Votre perspective n’aura d’autre choix que de devenir plus nuancée, en favorisant une vue d’ensemble qui correspondra d’ailleurs davantage à ce que perçoivent les gens quand ils vous voient. Pratiquez «l’exercice du ET » lorsque vous repassez en revue votre journée le soir, à tout moment que vous vous jugez sévèrement où lors de toute période de vie déstabilisante. Parmi les nuages gris, vous parviendrez sans doute à y percevoir quelques éclaircies et percées de soleil.
3. Prendre soin de soi
Notre corps et notre cerveau sont nos outils les plus indispensables qui nous permettent de vaquer à nos occupations, de réaliser nos tâches et de prendre soin de nos proches. Si nous oublions de les placer au haut de notre hiérarchie de priorités, pouvons-nous réellement offrir le meilleur de nous-mêmes? Prendre soin de soi n’est pas un luxe, c’est primordial. Enfant, nos parents assumaient le rôle de prendre soin de nous et de nous réconforter. Les besoins d’auto-soin et de réconfort ne se sont pas magiquement volatilisés avec l’âge. Il importe d’apprendre à incarner le rôle d’un adulte bienveillant, et ce, envers nous-mêmes autant qu’envers les autres. S’intéresser à nos besoins nous rappelle que nous valons la peine et que nous méritons d’être bien.
Assurez-vous de prévoir des moments purement consacrés à votre bien-être dans votre horaire. Ceci peut se faire d’une multitude de manières : faites de l’activité physique, méditez, mangez relativement sainement, offrez-vous des petits plaisirs, créez des moments pour être dans votre « bulle », adonnez-vous à une activité personnellement gratifiante, amusez-vous à faire des activités ludiques, déployez votre créativité, confiez-vous à une personne que vous aimez ou à un professionnel qualifié, prévoyez une séance de massothérapie, planifiez une soirée entre amis, allez marcher au bord d’une rivière, écoutez de la musique qui vous plait, trempez dans un bain aux chandelles… Les autres en bénéficieront grandement et seront par ailleurs encouragés à en faire autant.
Devenez, avec nous, ambassadrices et ambassadeurs de la bienveillance.
Que pouvez-vous faire aujourd’hui pour vous accueillir avec douceur, indulgence et compassion?