Le printemps est une saison propice pour repenser notre alimentation : les changements de température se reflètent sur nos envies alimentaires. Le désir de renouveau nous pousse à faire un grand ménage intérieur du printemps, à inviter des aliments frais et des saveurs nouvelles dans notre bouche !
En Occident, nous considérons le printemps comme une saison propice à la désintoxication, communément appelé « détox ». Maintenant, comment l’ayurveda envisage-t-il la saison printanière et son impact sur notre alimentation ?
Quelques notions de base en ayurveda
Ceux et celles qui connaissent un peu l’ayurveda et mon interprétation du sujet savent que l’alimentation ayurvédique ne propose aucun régime précis. On y expose des principes universels qui nous orientent en fonction de nos besoins particuliers. Il s’agit de (1) déterminer à quel dosha correspondent vos excès, puis (2) de les tempérer en recherchant des qualités contraires à ce dosha.
Un brin de révision sur le sujet peut nous éclairer grâce à l’article intitulé Équilibrez les trois doshas et la santé avec l’ayurveda qui nous introduit aux concepts fondamentaux de cette science ancestrale.
Un exemple tout simple : vous vous sentez lourd(e) et démotivé(e) après avoir mangé trop de restants de tourtière et regardé trop de vidéos tout le mois de janvier/février (excès kapha), alors vous changez pour des salades repas et des soupes en soirée pour vous sentir plus légère et dynamique. Puisqu’il s’agit ici de corriger un excès kapha, les salades amères, les épices pimentées, les repas chauds et les portions modérées aident votre cause.
Le régime saisonnier du printemps en ayurveda
En ayurveda , on détaille sous l’appellation rtu charya les habitudes alimentaires et les routines quotidiennes propres aux six saisons qui prévalent en Inde. En Inde, le printemps se nomme vasant et il dure de la mi-mars à la mi-mai, ce qui précède un peu le printemps au Québec. La saison printanière est caractérisée par des rayons solaires plus pénétrants et une luminosité accrue, un vent plus « aiguisé », le retour des cris d’oiseaux, de la végétation et de ses odeurs.
On observe qu’au printemps, kapha s’est accumulé lors de l’hiver sous l’effet du froid et de l’humidité. Kapha déséquilibré se traduit concrètement par une accumulation (skannatva), et lorsque la chaleur survient, il se liquéfie et envahi les muqueuses, les bronches et perturbe l’immunité, ce qui engendre rhumes, grippes et allergies printanières.
C’est donc principalement la qualité aqueuse du printemps qu’il faut contrecarrer, car sa chaleur est bienvenue. Certains ont besoin d’encourager cette chaleur, car elle est insuffisante alors que pour d’autres, cet apport vient révéler des excès de feu qui doivent être tempérés ou évacués. Dans notre assiette, la meilleure saveur pour éliminer à la fois les excès de chaleur et les toxines accumulées par le foie tout en asséchant les excès de liquide, c’est l’amertume.
Vive les salades amères et les pousses!
Les salades amères conviennent donc parfaitement au printemps, idéalement sous la forme de ces jeunes pousses printanières qui émergent juste à temps. Les endives, le radicchio, la roquette, les rapinis, les germinations, les têtes de violon, les feuilles de pissenlit, les feuilles de céleri et les artichauts pourront garnir notre assiette plus souvent qu’à l’habitude. Quelques bonnes bouchées par repas suffisent, avec une grosse salade de roquette et radicchio de temps à autre pour la bonne mesure.
Les plantes médicinales comme la gentiane, le curcuma, la patience crépue, le radis noir et l’aunée sont parfois nécessaires pour suppléer aux salades amères si l’on doit nettoyer son foie au printemps. En ayurveda , on apprécie le triphala, un mélange de trois fruits concentrés en poudre ou en comprimés, très efficaces pour évacuer l’excès de chaleur du duodénum et éliminer des toxines tout en asséchant les excès de fluides.
J’ai froid et tu as chaud, comment s’ajuster?
Dans la nourriture, les crudités ont leur place (car elles sont légères et un peu froides), mais préférez les légumes plus « secs » comme les choux, les pousses et les carottes plutôt que les concombres, les poivrons et les tomates. La soupe conviendra mieux aux frileux(-ses) pour qui le printemps ne sonne pas encore la libération de l’emprise du froid sur leur corps. Allez-y au feeling.
Parlant de froid, la saveur piquante est utile pour disperser les excès d’humidité et pour réchauffer les éternel(le)s congelé(e)s. L’ayurveda utilise le trikatu comme mélange facile à utiliser pour aller chercher plus de chaleur sèche, un nom qui signifie « les trois piquants », soit le poivre noir, le poivre long et le gingembre séché. Je l’ai intégré depuis longtemps à ma gamme de mélanges d’épices ayurvédiques maintenant fabriquée et vendue au centre Espace Ayurvéda.
Un peu de miel ou de mélasse verte peuvent servir pour réchauffer davantage que les autres sucres, mais n’abusez pas de ces bonnes choses pour ne pas vous alourdir ou créer du mucus. Des épices comme la cannelle, la cardamome et la muscade peuvent toujours accompagner les desserts et les boissons sucrées pour éviter ce genre de déséquilibre.
Plus de gras ou plus d’épices?
Le gingembre séché est préférable au gingembre frais au printemps, pour qu’il devienne d’avantage asséchant. Une autre plante pourrait faire l’affaire lorsqu’il s’agit d’assécher un peu à l’aide d’une combinaison de piquant et d’amer : le raifort. Le raifort est sous-utilisé au Québec puisqu’il pousse partout sans que personne ne le récolte. On en tire pourtant une poudre piquante, amère et savoureuse que les Japonais ont su exploiter chez eux : ils appellent ça le wasabi !
Il est possible de vouloir assécher une humidité interne (mucus, selles liquides, sensation de lourdeur) tout en ayant une sécheresse externe qui demande d’appliquer des huiles sur la peau. Observez, généralement la sécheresse ou l’humidité tendent à se généraliser, mais les situations mitoyennes ou partielles abondent également.
Seulement si nécessaire en cas de sécheresse sous l’emprise de vata, ajoutez du liquide et des sauces à votre alimentation, mais la plupart des gens bénéficieront plutôt du gingembre, du raifort et autres ingrédients épicés ainsi que des légumes amers et astringents pour assécher les excès de liquides et de gras. En tous les cas, mieux vaut éviter les repas très copieux, salés, sucrés, lourds et gras, trop difficiles à digérer en cette saison où l’on cherche à s’alléger.
À chacun son printemps
Puisque chaque personne est différente et émerge de l’hiver différemment selon ce qu’elle a vécu, il est bon de faire le point pour ressentir de quoi nous pourrions avoir le plus besoin en termes de sécheresse, d’humidité, de chaleur et de froid. Une autre manière de voir tout cela est sous le prisme des trois doshas, selon ce qui domine ce printemps en fonction de notre nature et de notre état.
Je vous invite à lire ou relire Introduction à l’ayurveda – ou comment retrouver son chemin vers l’équilibre qui traite de ce sujet.
Voici ce qu’on observe au printemps à propos des doshas dominants du moment et des influences printanières :
Vata : Ce dosha est affecté par le changement tout court, donc par tout changement de saison. Il pourrait augmenter la confusion chez les personnes qui ressentent une insatisfaction mais ne savent pas où se diriger… Attention à bien s’habiller et ne pas manger trop de crudités pour ne pas prendre froid, car vata en souffre tout autant que kapha. Privilégier les étirements, le sport moyennement intense et la routine.
Pitta : Il est affecté par les désirs inassouvis qui remontent comme la sève au printemps. Pitta est stimulé par la lumière croissante, l’élément feu et la chaleur qui ne sont plus autant compensés par le climat froid, révélant parfois un déséquilibre latent. Le foie est potentiellement engorgé par la diète hivernale et la stagnation, il a besoin de se libérer de ses toxines à l’aide des plantes amères et de douces torsions et massages de l’abdomen.
Kapha : La léthargie, le froid, les liquides, le mucus et les corps gras potentiellement accumulés au cours de l’hiver seront secoués et expulsés au printemps. Parfois, le système immunitaire, associé à kapha, sera affecté, provoquant un rhume, une grippe printanière, ou le retour des allergies. Des mesures comme l’exercice, une diète plus légère, riche en légumes amers, additionnées d’épices piquantes, combinant des salades au dîner et des soupes le soir viendront à bout du kapha printanier, le dosha le plus affecté par le printemps. N’oubliez pas de faire un peu de sport, surtout le matin.